La pandémie mondiale de Covid-19 pointe le lien entre écosystèmes, biodiversité et émergence de nouvelles maladies infectieuses.
Pourtant, les analyses globales sur l’émergence des maladies infectieuses et leur transmission manquent.
Une vision lacunaire d'autant plus dramatique que le cercle vicieux entre émergence de maladies zoonotiques et déforestation a encore été renforcé par les impacts du Covid-19 !
En exploitant de plus en plus leur environnement, les humains sont de plus en plus exposés à de nouvelles contaminations. Désormais tristement mondialement connu pour la pandémie de Covid-19 qu'il a provoqué, le virus SARS-Cov2 est habituellement présent chez certaines chauves-souris qui le tolèrent très bien ! Mais, comme de très nombreuses maladies émergentes, une infection d’origine animale peut devenir catastrophique chez les humains...
Or, notamment dans les zones intertropicales, la promiscuité entre les animaux sauvages et les êtres humains favorisent de nouvelles menaces sanitaires : en supprimant des surfaces forestières pour le développement de zones agricoles ou d’élevage, les communautés humaines entrent en contact avec des cycles microbiens qu’abritent les écosystèmes forestiers.
Une interaction très mal connue
Des chercheurs ont publié, dans la revue Environmental Research Letters, l'analyse qu'ils ont faites de 565 publications scientifiques parues ces 65 dernières années (entre 1953 et 2018) citant les termes "forêt", "déforestation" et "maladie infectieuse émergente".
Il en ressort que seuls 30% de ces études (165) apportent des éléments de compréhension globaux de la menace sanitaire induite par la promiscuité forcée entre animaux sauvages et humains.
En effet, un très grand nombre d'articles n'abordent qu'une petite partie du cycle infectieux, en se focalisant sur les insectes vecteurs ou les animaux réservoirs, sans approfondir leurs interactions avec des virus, des bactéries ou des protozoaires et, souvent, sans faire le lien avec les cas humains.
Autres travers : un grand nombre de travaux ne concernent que quelques maladies spécifiques (comme la maladie de Lyme ou les leishmanioses cutanées) et la plupart se réfère aussi à des travaux centrés sur le continent américain (Amérique du Nord, Centrale et du Sud) donc ni sur un ensemble de pandémies potentielles ni sur toutes les zones d'émergence possible...
La récente pandémie tire une sonnette d'alarme : on manque de connaissances sur l’émergence des maladies infectieuses humaines et leur transmission, faute d'étudier à la fois les aspects environnementaux, sociologiques, économiques et politiques.
Le cercle vicieux entre émergence de maladies zoonotiques et déforestation a été renforcé par les impacts du Covid-19
Lors de la pandémie actuelle, la déforestation s'est accélérée dans de nombreuses zones tropicales, augmentant - encore - les interactions entre faune sauvage et humains et, donc, les risques d’émergence de nouvelles épidémies. Ce cercle vicieux est pointé du doigt par une équipe de chercheurs, dans la revue Perspectives in Ecology and Conservation.
Les scientifiques y rappellent que, en 2020, un mois après les premières mesures sanitaires pour contenir la propagation du Covid-19, les alertes à la déforestation en zones tropicales avaient dépassé les 9500km2 contre 4732km2 à la même période en 2019 : le double !
Les images satellitaires trahissent en effet une hausse massive de la déforestation dans le mois qui a suivi la mise en œuvre des mesures sanitaires : +63% en Amérique, +136% en Afrique et +63% en Asie-Pacifique.
Quelle part la pandémie de Covid-19, via ses conséquences socio-économiques, a-t-elle joué dans cette déforestation supplémentaire ? Impossible de l'estimer avec exactitude. Mais elle y a assurément joué un rôle car les gouvernements étaient focalisés sur le Covid-19 et nettement moins sur d'autres problématiques environnementales, dont le déboisement illégal... augmentant en retour les risques d’émergence de nouveaux virus !
Un deuxième effet - immédiat - du déboisement est que les problèmes respiratoires des populations avoisinantes s'intensifient car le défrichement consiste bien souvent à mettre le feu à des parcelles de forêts : par les particules émises - première cause de mortalité humaine prématurée liée à la pollution de l’air dans les régions tropicales -, les feux de forêt sont délétères pour les populations locales, dans des zones où les systèmes de santé sont déjà fragiles.
Or, la crise économique qui se profile risque d’accroître la dépendance de nombreux pays tropicaux vis-à-vis de leurs exportations de produits agricoles de base et donc inciter au déboisement pour disposer de nouvelles surfaces agricoles...
En résumé : ce premier virus accentue les risques d’émergence de maladies infectieuses dans les régions tropicales via une déforestation et des interactions avec la faune sauvage qui s'intensifient.
Quatre pistes pour briser le cercle vicieux
Dans le même article de la revue Perspectives in Ecology and Conservation, les chercheurs recommandent quatre orientations aux pouvoirs publics :
- protéger les populations les plus exposées et les plus vulnérables aux maladies infectieuses, notamment à cause de leur accès réduit aux services de santé
- rendre prioritaire la lutte contre la déforestation dans les zones tropicales, en dépassant "impératifs sanitaires versus enjeux économiques"
- anticiper l'augmentation des feux de forêt , en amont des saisons sèches en zones tropicales
- encourager les marchés légaux de vente de bois et soutenir leurs chaînes d’approvisionnement
L'arrêt de la déforestation illégale et la protection des populations indigènes ne sont en effet pas des objectifs à mettre de côté, même en période de pandémie !
Sources