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Produire de l'électricité à partir de gaz, de charbon ou dans des réacteurs nucléaires a un impératif : il faut refroidir les centrales ! Et cela passe par un circuit de refroidissement utilisant de l'eau, prélevée dans un cours d'eau à proximité de l'installation.

Que se passera-t-il si cette eau se réchauffe en même temps que le reste la Terre ou vient à manquer du fait de périodes de sécheresse plus fréquentes ?


 

Des chercheurs de l'Université de Leiden (Pays-Bas) ont étudié la vulnérabilité des centrales thermo-électriques et établi qu'elle va se dégrader d'ici 2030.

Car ces centrales ont besoin de grandes quantités d'eau pour rester à température constante : pas moins de l'équivalent d'une piscine olympique circule chaque minute dans le circuit de refroidissement d'une grande centrale à gaz !

Problème : si l'eau est plus chaude que prévue par les concepteurs de la centrale - ou vient à manquer - la production d'électricité doit être ralentie, voire arrêtée. Or réchauffement de l'eau et pénurie sont les conséquences du dérèglement climatique actuel.

 

 Une production d'électricité déjà sous pression...


Ces dernières années, l'Europe a subi des périodes de plus en plus intenses de canicule et de sécheresse, ce qui a donc déjà eu un impact sur le fonctionnement des centrales électriques. 

Pour l'instant, les habitants n'ont pas vraiment perçu la menace : si une centrale est ralentie ou arrêtée, cela peut être compensé par des centrales thermo-électriques moins impactées par la chaleur ou la sécheresse, ou par de l'électricité produite à partir de sources renouvelables (photovoltaïque, éolien, hydraulique).

Mais si la chaleur et la sécheresse se produisent sur des périodes plus longues ou plus intensément (ce qui arrivera !), un nombre grandissant de centrales thermo-électriques sont concernées. La compensation ne suffit alors plus et les coupures d'électricité deviennent inévitables.

 

 ... et la pénurie en eau augmente


En analysant le fonctionnement de 1326 centrales thermo-électriques européennes et les 818 endroits différents où elles prélèvent l'eau dont elles ont besoin pour fonctionner, l'équipe de Paul Behrens a établi que le nombre de centrales potentiellement concernées par une pénurie d'eau augmentera de façon nette d'ici 2030.

L'une des raisons est l'augmentation du nombre de centrales thermo-électriques.

D'ici 2020, par rapport à la situation en 2014, la fermeture de 175 unités thermiques a été planifiée, tandis que 196 nouvelles unités étaient décidées ou mises en route. Dans le même temps, aucune centrale nucléaire n'a été fermé, mais 7 sont en construction.

Mais un autre fait vient aggraver la situation : la construction de nombreuses nouvelles unités est programmée... à proximité de points d'eau qui sont déjà "sur-utilisés" aujourd'hui. C'est notamment le cas en Allemagne, en Belgique, en Bulgarie, en Espagne, en Grèce et en Pologne.

D'ici 2030, la transformation du secteur énergétique vers plus d'énergies de sources renouvelables deviendra cependant perceptible. Par rapport à 2014, la production thermo-électrique diminuera de 4%, l'eau consommée de 11% et l'eau prélevée de 27%.

Au cours de ces 16 années, 466 unités thermo-électriques sont destinées à fermer et 191 seront construites (avec une bascule nette des unités utilisant le charbon vers des unités fonctionnant au gaz). Mais toujours avec une pression accrue sur des bassins déjà vulnérables.

D'ici 2030, la zone d'Europe où la pénurie se fera le plus cruellement sentir est la région méditerranéenne (Espagne, Italie, Grèce, Sud de la France), notamment à cause des variations saisonnières de la température et de la disponibilité en eau. Mais les régions françaises et allemandes bordant le Rhin, ainsi que la Bulgarie et la Pologne sont aussi en situation de plus en plus tendue.

 

Comment adapter la production d'énergie à la ressource en eau ?

Dans les zones côtières, l'une des solutions pour pallier le réchauffement de l'eau douce serait de refroidir les centrales avec de l'eau de mer. Cela réduirait considérablement la menace de surchauffe dans le bassin méditerranéen, mais implique des investissements considérables car il faut équiper les centrales pour utiliser de l'eau salée.

Et, partout, les circuits de refroissement à air pourraient remplacer des circuits de refroidissement à eau. Mais là encore, le coût est gigantesque !

Seules des politiques favorisant les unités peu gourmandes en eau (augmentation du prix de l'eau ou subventions aux "bons élèves") pourraient provoquer un vrai changement et relâcher un peu la pression sur les cours d'eau.

Problème, une politique cohérente est difficile à mettre en place car la gestion de la production d'énergie et la gestion de l'eau se font dans des schémas politiques différents, et ne couvrent pas les mêmes zones administratives : la gestion de la production d'énergie reste essentiellement nationale tandis que les cours d'eau traversent les frontières administratives.

Mettre en place une politique globale européenne de la production d'électricité thermique tenant compte des ressources en eau serait donc une avancée. Mais cela ne suffirait plus car de nombreux bassins hydriques européens sont désormais vulnérables au réchauffement ou à la pénurie. Et ils le seront encore plus à l'avenir, du fait du dérèglement climatique.

 

Diminuer le besoin en eau de refroidissement

Les auteurs de l'étude sont donc formels : il faut diminuer l'utilisation d'eau pour la production d'électricité en Europe.

Et pour cela, il n'y a qu'une solution raisonnable : fermer les centrales les plus anciennes et les moins efficaces... pour les remplacer par des moyens de production utilisant des sources renouvelables comme l'éolien ou le photovoltaïque. 

Cela réduirait aussi la production de gaz à effet de serre et diminuerait l'impact humain sur les cours d'eau.

 

Source : Publication "Climate change and the vulnerability of electricity generation to water stress in the European Union"
Nature Energy, 24 juillet 2017; 2: 17114

Nature Energy, 2017; 2: 17114 (accès payant)

 

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