Le diagnostic de la qualité de l’air des établissements recevant de jeunes enfants devait devenir obligatoire à partir du 1er janvier 2015. La mesure a été annulée et remplacée par un guide de bonnes pratiques. Les dizaines d’organismes qui ont investi dans des capteurs et une accréditation pour réaliser les campagnes de mesures ne sont pas ravies d'une revirement de situation à 3 mois de l'échéance... et les spécialistes de la qualité de l'air non plus. Faut-il regretter cette obligation de mesurer les polluants intérieurs ?
Le communiqué du Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie du 24 septembre 2014 est court.
"Ségolène Royal repousse l’obligation, prévue en janvier 2015, de mesurer la qualité de l’air dans les crèches, et la remplace par un guide de bonnes pratiques.
Le décret paru en 2011, qui avait obtenu le « deuxième prix des normes absurdes » suscitait des inquiétudes des maires.
Ségolène Royal les a entendus et met en place une décision simple, pragmatique qui concilie qualité de l’air et simplicité des actions."
Et s'accompagne d'un lien vers ce poster de "bonnes pratiques", qu'il suffira donc à ces établissements d'afficher pour être en règle vis-à-vis de la loi.
Pourquoi la qualité de l'air dans les bâtiments pose-t-elle problème ?
Elle dépend en partie de la qualité de l'air extérieur, mais pas seulement. Car l'air intérieur concentre les molécules dans les pièces closes : les meubles en aggloméré diffusent les molécules de solvants de leur colle, certains plastiques relâchent des COV (composés organiques volatiles)... et les personnes expirent du dioxyde de carbone en respirant.
Pour éviter l'accumulation des molécules dans l'air, il faut renouveler l'air (et éviter les objets susceptibles de relâcher des molécules nocives).
Or, pour isoler thermiquement les bâtiments, leurs portes et fenêtres deviennent de plus en plus étanches à l'air. Et cela sera encore intensifié par un nombre croissant de logements conformes à la règlementation thermique RT2012 qui - pour une meilleure performance énergétique - généralise des systèmes de ventilation hygroréglables et augmente l’étanchéité à l’air.
Fallait-il conserver cette obligation au 1er janvier 2015 ?
Cela ressemblait de plus en plus à quelque chose d'impossible : peu de mairies (responsables des crèches et écoles maternelles) s'apprêtaient à inclure cette obligation dans leur budget prévisionnel 2015 (3 000 € par établissement), par ignorance de cette échéance... ou parce qu'elles s'y opposaient.
Les collectivités locales protestaient notamment contre le fait de devoir faire contrôler l'ouverture des fenêtres par un organisme certifié alors que ça aurait pu être fait par les services techniques municipaux.
Cette opposition était d'autant plus vive que la campagne pilote menée en 2009-2010 dans 310 établissements destinés à la petite enfance avait montré dans l'intervalle que les valeurs limites pour les polluants visés par les contrôle y étaient rarement dépassées : aérer régulièrement est déjà une habitude pour ces personnels ; produits nettoyants et équipement utilisés pour les touts-petits sont généralement relativement "sains".
Néanmoins, chiffrer les polluants de l'air (et pas seulement les trois visés par cette règlementation !) permettrait une meilleure visibilité sur l'atmosphère dans laquelle est plongée tout un chacun (à la crèche, l'école, au bureau...) car cela alerterait certainement sur la contribution à la pollution de certains mobiliers et plastiques utilisés (notamment dans les équipements informatiques).
Mais il est vrai que faire prendre conscience de la notion de qualité de l'air à tous et retrouver l'habitude d'aérer 5 minutes chaque pièce au moins une fois par jour est moins onéreux et plus intelligent que de faire appel à une batterie de normes et contrôles !
Il n'empêche que les professionnels avaient investi dans du matériel et une accréditation pour se préparer à un nouveau marché imminent de 300 millions d'euros et qu'il faut se garder de se dire que tout va bien : l'étude publiée en avril 2014 par l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (Oqai) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) indique que la pollution de l'air intérieur ferait 20 000 décès et coûterait 19 milliards d’euros par an.